- M. Dicop
"Alô profesor" - Monsieur Dicop
Dernière mise à jour : 29 mars 2021
Journal nº3 - 02/12/2020
Février 2015, me voici engagé au lycée Molière ! C’est, après ceux de Bamako, Libreville et Conakry, le 4ème établissement de l’AEFE dans lequel je vais travailler (avec quelques interludes en France).
Ces expatriations ont été dans un 1er temps le fruit du hasard puis d’un choix de vie : aller vivre ailleurs pour découvrir autrement que par de brefs séjours touristiques, avec quand même toujours l’idée de retourner en France (il faut savoir partir pour mieux revenir…).
Une fois passée la grille de Molière 1, 1ères impressions et surprises : l’étroitesse et le bruit assourdissant de la cour, entendre parler portugais dans les couloirs (je n’avais travaillé que dans des lycées situés dans des pays francophones) ! Puis l’accueil chaleureux des collègues, du personnel (malgré mon portugais qui restera toujours lacunaire…) et aussi des élèves, visiblement habitués à voir de nouvelles têtes derrière le bureau.
Les élèves du lycée Molière, justement ! Parlons-en ! Sont-ils si différents de ceux des autres lycées français, de l’étranger ou de métropole ? A mon avis, pas tant que cela… Il y a là comme ailleurs les pénibles bavards, ceux qui tentent de dormir au fond de la classe, les comiques (les petits singes ne sont pas toujours ceux qui gambadent sur les grilles du plateau sportif…), celles et ceux qui ne travaillent pas assez ou, au contraire, qui donnent le meilleur d’eux même, qui posent et se posent des questions, qui râlent pour le principe mais qui sont quand même content(e)s d’être là, conscient(e)s de la chance qu’ils ont de recevoir une éducation de qualité et qui le rendent bien. Il faut de tout pour faire un monde et il y a vraiment de tout au lycée Molière ! Avec quand même l’avantage d’avoir souvent des effectifs réduits donc une plus grande proximité avec les élèves.

J’ai passé avec eux, avec vous, de très agréables moments mais quand il a fallu quitter Rio, ce fut avec grand regret tant j’avais pu apprécier de travailler avec vous, avec tout le personnel du lycée (et notamment nos collègues que, avec Mme MARTIN, nous saluons chaleureusement) et parfois aussi avec certains de vos parents (nos sincères amitiés à eux, ils se reconnaitront).
La vie est une succession de choix et quitter Rio en fut un, loin d’être facile, mais bon…
Eté 2019 donc retour en France, chez nous, près de Nîmes (la plus belle ville du Monde, avec Rio bien sûr !). Retrouvailles avec plein de choses sympathiques (ah la gastronomie française !!!) mais aussi les classes surchargées et la froidure hivernale (ah le climat carioca !).
Puis vint la Covid avec le 1er puis le 2ème confinement, les cours avec le masque, le décompte quotidien des malades et des décès, les quantités faramineuses d’infox et de rumeurs farfelues ou complotistes (qui amènent à se dire que certains cours d’EMC sont vraiment indispensables !).
Puis vint le 16/10, et le terrible assassinat de ce collègue d’Histoire Géographie, tué pour n’avoir fait que son travail d’enseignant lors d’un cours d’EMC.
Tué par l’intolérance de certains extrémistes persuadés que la diffamation et la violence sont la seule réponse à ce qu’ils voient comme une offense. Tué par le côté sombre des réseaux sociaux, outils si pratiques pour véhiculer la bêtise et la haine. Tué pour avoir voulu simplement faire progresser ses élèves.
La question m’est posée (et je pense que pour beaucoup nous nous la posons…) :
Faut-il avoir peur, renoncer ? Non certainement pas ! Se remettre en question ? Bien sûr, pour s’efforcer de toujours mieux faire comprendre cette idée que le respect des droits de l’homme, la tolérance, l’écoute et la raison doivent être les bases de notre société.
Il parait que le métier d’enseignant est un des plus beaux mais aussi un des plus difficiles. Il me semble que ces derniers événements l’ont rendu encore un peu moins facile…
Car la vie continue et quand le blues arrive, pour le chasser, il suffit parfois que reviennent les souvenirs de Rio et de son lycée.
Quel est le meilleur souvenir ? Impossible à dire, il y en aurait trop ! Entre les sourires des uns, les remerciements des autres, les petites friandises, les gentils petits mots, les improbables entrainements de rugby à Flamengo, les discussions lors de certains cours ou les débats en EMC, la valise en est pleine !
Pour conclure, deux choses :
Vous êtes dans un chouette établissement, profitez-en bien !
Et, dédicace spéciale à mes anciens élèves : ne mettez jamais, vraiment jamais, la charrue avant les bœufs !
M. Dicop