Lucas de Coster
Que-ce passe t’il en Colombie?
Journal nº7 - 2/06/2021
2 morts, 1500 blessés et un rappel à l’Ordre de l’ONU. Tel est le bilan de ces trois dernières semaines de manifestations en Colombie. Ce qui au début n’était qu’un mouvement de protestation contre une réforme fiscale s’est transformé, en l’espace de quelques jours, en un véritable soulèvement populaire contre la police et le président en fonction, Ivan Duque. Ensemble, essayons de comprendre ce qu’il se passe aujourd’hui en Colombie.

Commençons par s’intéresser aux causes de ces manifestations. Comme le Brésil, la Colombie est un pays « à revenus moyen-supérieurs », marqué par de fortes inégalités et de grandes poches de pauvreté. La pandémie n’a rien arrangé à cela. Entre 2019 et 2020, le pourcentage de la population en situation de pauvreté est passé de 35% à 42%, tandis que l’extrême pauvreté (moins de un dollar par jour) est passée de 9% à 15%. Comme la plupart des pays d’Amérique Latine, la Colombie a été incapable de faire face à la pandémie. Le pays passe ainsi en ce moment par une troisième vague meurtrière, ses hôpitaux sont remplis et le nombre de morts s’élève déjà à plus de 75 000. Ces crises économiques et sanitaires s’ajoutent à un mécontentement populaire envers le président en fonction Ivan Duque. En novembre 2019, des centaines de milliers de colombiens ont manifesté contre la politique économique, sociale et sécuritaire du président. La pandémie a cependant brusquement interrompu le mouvement.

C’est donc dans un contexte de précarité croissante, de crise sanitaire et de mécontentement politique que le 28 Avril, le gouvernement annonce un projet de réforme fiscal. Censé aider à financer les dépenses publiques, le projet propose d’augmenter l’impôt sur le revenu et la TVA. Si la nécessité de financement des dépenses publiques fait l’unanimité, les moyens de financement proposés ont été grandement critiqués par la population colombienne, puisqu’elles affectent grandement la classe moyenne. Résultat, le jour-même de l’annonce du projet, des dizaines de milliers de Colombiens envahissent les rues des principales villes du pays pour exprimer leur désaccord. C’est le début du mouvement contestataire que l’on connait aujourd’hui.
La réponse du gouvernement, et plus précisément du président Ivan Duque ne se fait pas attendre. Le lendemain des premières manifestations, il déploie plus de 47 500 policiers à travers le pays pour « garantir la tranquillité ». Lors d’un discours dans lequel il s’adresse à la
nation, il qualifie ces manifestations de « menace intérieure », et explique que ces dernières sont organisées par des « organisations narcoterroristes » pour semer le trouble. Il laisse entendre qu’il traitera les manifestants de la même manière qu’il traite les trafiquants, c’est-à-dire avec violence. En 9 jours, on dénombre 24 morts, 846 blessés et 87 disparus. L’ONU, l’Union Européenne et Amnesty international dénoncent une « réponse disproportionnée » et « un usage abusif de la force ».

Cependant, cela n’est pas suffisant pour décourager les manifestants. Au contraire, la répression policière qu’ils ont subie donne un tout nouveau sens à leur engagement. Si au départ ils s’opposaient au projet de réforme fiscale, ils s’opposent à présent aux violences policières, au président de la république et à sa politique autoritaire. Pour calmer le jeu, le gouvernement a annoncé que la réforme allait être modifiée, et le ministre des finances, Alberto Carrasquilla a démissionné. Cela n’a pas été suffisant. Depuis plus de 3 semaines, les manifestations continuent de faire rage, élevant le nombre de morts à 42 et les blessés á 1500. Le 12 Mai, différents représentants syndicaux se sont retrouvés avec des membres du gouvernement pour essayer de trouver une réponse à la crise. Malheureusement, les négociations n’ont pas abouties à des solutions concrètes.
Si aucune solution n’est trouvée, il semble clair que ce mouvement n’est pas prêt de finir. Reste à savoir combien de manifestants devront encore mourir pour qu’un compromis soit enfin trouvé…
Lucas de Coster, Term A