- Maria Clara Fontes et Marina Farcette
Que se passe-t-il au Myanmar?
Journal nº5 - 02/04/2021
Les jeunes manifestants ont attiré l'attention du monde entier avec leur activisme en ligne malgré des services Internet limités. La police augmente sa présence et des véhicules blindés ont été installés dans plusieurs villes. Il y a eu de nombreuses arrestations. Au moins 138 manifestants furent tués depuis le premier février.
Vous avez peut-être vu et entendu parler des manifestations qui ont lieu à travers le Myanmar. Des milliers de personnes sont descendues dans les rues de plusieurs villes et villages, malgré l'interdiction des manifestations. Ce sont les plus grandes manifestations que le pays ait connu depuis 2007. Ils protestent contre un coup d'État militaire qui a eu lieu le premier février. Les manifestants veulent un retour à la démocratie et la libération de la dirigeante élue Aung San Suu Kyi. Les grèves des travailleurs du secteur public ont paralysé le gouvernement. La police a utilisé des balles en caoutchouc, des canons à eau et du gaz lacrymogène contre eux. Les services Internet ont été perturbés depuis le coup d'État. Des véhicules blindés sont apparus dans les rues de plusieurs villes, ce qui est le dernier signe d'une éventuelle répression. Les manifestants anti-coup d'État encourent jusqu'à 20 ans de prison en vertu d'une nouvelle loi.
Où se situe le Myanmar?

Le Myanmar, également connu sous le nom de Birmanie, se trouve en Asie du Sud-Est. Voisin de la Thaïlande, du Laos, du Bangladesh, de la Chine et de l'Inde, le pays compte 54 millions d’habitants. Bien que sa plus grande ville soit Yangon, la capitale est Nay Pyi Taw. La religion principale est le bouddhisme, mais il existe de nombreux groupes de minorités ethniques dans le pays, y compris les musulmans rohingyas.
Le pays a obtenu son indépendance de la Grande-Bretagne en 1948. Il a été dirigé par les forces armées de 1962 à 2011, lorsqu'un nouveau gouvernement a commencé à inaugurer un retour à un régime civil.

Pourquoi le Myanmar est-il également connu sous le nom de Birmanie?
L'armée, une fois au pouvoir, a changé le nom du pays de Birmanie à Myanmar en 1989. Les deux noms signifiant la même chose, Myanmar reste la version la plus formelle. Certains pays, dont le Royaume-Uni, ont initialement refusé d'utiliser le nom pour nier la légitimité du régime. Toutefois, l'utilisation du "Myanmar" est devenue de plus en plus courante et, en 2016, Mme Suu Kyi a déclaré que le nom utilisé n'avait pas d'importance.
Entre coups, le myanmar de 2010 à 2015

Le Myanmar a été dirigé par les forces armées de 1962 à 2011. Depuis 2010 le pays a commencé à se tourner vers un gouvernement démocratique, ce changement est lent mais le progrès est évident. En novembre 2010 l’USDP (partie soutenue par le Tatmadaw) remporte les premières élections en 20 ans, le parti est accusé de fraude, mais marque tout de même le début d’un changement politique. Une semaine plus tard, Aung San Suu Kyi sort de prison, alors qu’elle avait été empêchée de participer aux élections.
En 2011 des milliers de prisonniers sont libérés sous une amnistie, pourtant peu d’entre eux sont des prisonniers politiques et des lois autorisant la formation de syndicats sont passées et autorisent les manifestations pacifiques.
En janvier 2012 le gouvernement signe un cessez-le-feu avec les rebelles du groupe ethnique Karen. Un jour plus tard, encore des centaines de prisonniers politiques sont libérés, parmi eux sont les vétérans du mouvement de protestation des étudiants, des moines impliqués dans les manifestations de 2007 et des activistes de nombreuses minorités ethniques. En décembre le gouvernement annonce que les journaux privés seront autorisés à partir d’avril 2013 pour la première fois en 50 ans.
En janvier 2013 le gouvernement aboli l’interdiction (vieille de 25 ans) de rassemblements publics de plus de 5 personnes. En avril un rapport accuse le gouvernement d’être complice dans des massacres ethniques et crimes contre l’humanité contre les musulmans de l'état Rakhine.
En janvier et mars 2015 des manifestations d'étudiants ont lieu, des centaines d'entre eux sont arrêtés. En avril les journaux protestent contre la censure et l’arrestation de journalistes en imprimant des premières pages noires. En juin le parlement vote le maintien du véto du Tatmadaw sur les changements de la constitution et en juillet les premières élections avec la plus grande participation de partis opposants sont marquées pour le 8 novembre.
Qui est Aung San Suu Kyi?

Mme Suu Kyi est devenue mondialement connue dans les années 90 pour avoir fait campagne pour restaurer la démocratie. Elle a reçu le prix Nobel de la paix alors qu'elle était assignée à résidence en 1991. En 2015, elle a mené la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND) à la victoire lors de la première élection ouvertement contestée du Myanmar en 25 ans. Elle a été l'objet de critiques internationales pour ne pas avoir condamné le génocide des musulmans rohingya. Des milliers de musulmans rohingyas ont été tués à la suite d'une répression de l'armée en 2017. Mme Suu Kyi reste extrêmement populaire auprès de la majorité des soumissionnaires du pays.
Qui est à la tête du Myanmar?
Le pouvoir a été remis au commandant en chef de 64 ans, Min Aung Hlaing. Il a passé toute sa vie a monter les rangs du Tatmadaw. En 2009 il est devenu commandant du Bureau des Opérations Spéciales, il a supervisé des opérations dans le nord-est du Myanmar qui ont mené des dizaines de milliers de réfugiés appartenant à des minorités ethniques à fuir vers la frontière chinoise. Même ayant été accusé de meurtre, viol et d’incendie criminel contre ses troupes il est devenu chef d’état-major en 2010 et commandant en chef du Tatmadaw moins d’un an plus tard.
En 2016 et 2017 le Tatmadaw a intensifié la répercussion contre les musulmans rohingya et en août 2018 le conseil des droits de l’Homme de l’ONU a déclaré que les généraux de l’armée du Myanmar, y compris Min Aung Hlaing, devraient être poursuits pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre.
Min Aung Hlaing devrait partir à la retraite quand il atteindra les 65 ans en juillet de cette année, mais il s’est attribué encore une année au pouvoir, et potentiellement plus longtemps, grâce au retour des militaires au pouvoir.
Dans un discours télévisé, il a déclaré que la prise de pouvoir était justifiée en raison de la "fraude électorale". Min Aung Hlaing a déclaré que son régime serait «différent» de l'ordre militaire précédent qui a pris fin en 2011 et que l'armée était du côté du peuple et formerait une "démocratie vraie et disciplinée". L'armée a déclaré qu'elle tiendrait des élections «libres et équitables» une fois l'état d'urgence passé. Les manifestants réclament qu'ils ne veulent pas vivre dans une dictature.
Monté au pouvoir
En novembre 2020 le parti de la LND d'Aung San Suu Kyi remporte l'élection la main haute. Mais l'opposition soutenue par l'armée a exigé une reprise, affirmant une fraude sans aucunes preuves. Depuis janvier plusieurs spéculaient sur la possibilité d’un coup d'État imminent, le 27 janvier Min Aung Hlaing a déclaré : “la constitution sera abolie si elle n'est pas suivie”, citant l'exemple des coups d'État militaires précédents de 1962 et 1988. Trois jours plus tard, son bureau a fait une déclaration à la presse en annulant sa déclaration.
Cependant le premier février l'armée a pris le contrôle, a détenu Aung San Suu Kyi (conseillère d'état) et Wu Myint (président) et a déclaré l'état d'urgence d'un an. L'armée a déclaré qu'elle garderait le contrôle du pays pendant au moins un an, l'autorité ultime revenant au général en chef Min Aung Hlaing. On ne sait pas ce qui se passera après 12 mois, même si certains soupçonnent que les militaires resteront en charge au-delà de cela. Mme Suu Kyi est en résidence surveillée et certains fonctionnaires de l'État ont été arrêtés.

Soulèvement du peuple
L'ampleur des manifestations, ainsi que la manière dont elles furent organisées - par les réseaux de jeunes activistes (souvent anonymes) au lieu de la LND d'Aung San Suu Kyi ; semblerait avoir décontenancé les autorités. Les jeunes activistes utilisent de nouvelles technologies comme Bridgefy, une application de messagerie qui utilise Bluetooth au lieu d'Internet. Les manifestants comprennent des enseignants, des avocats, des banquiers et des fonctionnaires d'État. Des médecins et des infirmières ont également manifesté, affectant le service de santé du pays. Il y a eu des appels pour que plus de gens se présentent. Les jeunes utilisent le salut à trois doigts (inspiré du film “les Hunger Games”) comme un symbole de résistance. Ils ont également attiré l'attention du monde entier avec des signes spirituels. L'armée, en réponse, a imposé des restrictions, notamment un couvre-feu et elle limite les rassemblements. Toutefois, ces manifestations montrent la force de l'opinion publique contre le régime militaire, qui ont réussi à démontrer au monde le sentiment de millions de personnes.
Quelle a été la réponse mondiale?

Le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU a été invité à enquêter sur les allégations d'abus. Le secrétaire général de l'ONU, António Guterres, a déclaré que c'était "un coup dur pour les réformes dmocratiques". La Chine dit que la pression internationale ne ferait qu'empirer les choses. Elle a bloqué une déclaration du Conseil de sécurité de l'ONU condamnant le coup d'État. Des voisins, notamment le Cambodge, la Thaïlande et les Philippines, ont déclaré qu'il s'agissait d'une «affaire nationale». Les États-Unis imposent des sanctions, c’est-à-dire restreindre le soutien économique au Myanmar. Le Royaume-Uni, l'UE et l'Australie se sont prononcés contre la prise de contrôle militaire. La Nouvelle-Zélande impose une interdiction de voyager aux chefs militaires du Myanmar.
Partie vocabulaire de l’article à connaître: distinguer opposition et résistance
Par Maria Clara Fontes, 1ère2 et Marina Farcette, 1ère3