Júlia Marques
Séance Science - Pourquoi la comparaison entre les vaccins du Covid-19 n'est pas forcément juste ?
Journal nº6 - 02/05/2021
Le sujet des vaccins fait toujours tendance. Pourtant, nous avons peut-être un peu mal compris et mal interprété leur objectif. Une vidéo très intéressante est sortie sur la chaîne de Vox, un journal américain qui a pour but d’expliquer les actualités, nous montrant pourquoi les vaccins ne sont pas forcément comparables entre eux. La vidéo étant en anglais, voici une traduction, mais le lien est toujours en bas de page au cas où vous voudriez regarder.
Les vaccins Moderna et Pfizer/BioNTech ont des taux d’efficacité très élevés (respectivement, 94% et 95%) comparé à d’autres comme Johnson & Johnson (66%) ou AstraZeneca (67%). Si l’on compare ceux-là entre eux, on a l’impression qu’il y en a des meilleurs et des pires. Mais cette supposition est fausse, ces chiffres ne sont pas forcément les meilleurs pour comprendre l’efficacité d’un vaccin. Comment sont fait les vaccins :

L’efficacité d’un vaccin est calculée lors de grands et longs essais cliniques où il est testé sur des milliers de personnes. Celles-ci sont divisées en deux groupes : la moitié reçoit le vaccin, l’autre moitié un placebo, une préparation inactive que l’on substitue à un médicament (dans ce cas, le vaccin) pour un effet psychologique. Puis, les scientifiques laissent ces personnes vivre leur vie tranquillement et vérifient si elles sont infectées ou pas par le Covid-19. Pour Pfizer, les essais cliniques ont duré des mois avec 43 000 participants. À la fin, 170 personnes ont été infectées.
C’est comment ces personnes infectées se disposent dans chacun des groupes qui détermine l’efficacité d’un vaccin. Si elles sont séparées de manière équilibrée (50/50), cela voudrait dire qu’il y a autant de chances d’attraper le virus avec ou sans le vaccin : l’efficacité est donc de 0%. Par contre, si toutes les 170 personnes se retrouvent dans le groupe des placebo, cela veut dire que tous ceux qui ont pris le vaccin n’ont pas été infectés : l’efficacité est de 100%. Dans le cas de Pfizer, 162 étaient dans le groupe des placebo et 8 dans le groupe des vaccinés : l’efficacité est donc de 95%.

Mais attention, cela ne veut pas dire que, si 100 personnes se font vaccinées, 5 tomberont malades. Ce 5% s’applique à l’individu : chaque personne vaccinée est à 95% moins probable de tomber malade chaque fois qu’elle sera exposée au virus par rapport à une personne non vaccinée. Ainsi, pour toutes les études, cette efficacité est calculée de la même manière.
Mais les essais cliniques peuvent avoir lieu dans des circonstances bien différentes. Le graphique ci-dessous nous aide à mieux comprendre. Il nous montre la quantité de nouveau cas de Covid-19 par habitant aux États-Unis et quand ont été réalisés les essais cliniques des trois vaccins américains : Moderna, Pfizer/BioNTech et Johnson & Johnson. On remarque que Pfizer et Moderna ont fait leurs tests en même temps et complètement aux États-Unis quand les cas de Covid-19 n’étaient pas si élevés. Dans le cas de Johnson & Johnson, les opportunités d’être exposé au virus par les participants de l’essai clinique étaient plus élevées.

En plus, leurs essais cliniques ont aussi eu lieu dans d’autres pays comme le Brésil et l’Afrique du Sud qui, en plus d’avoir un taux de contagion élevé, avaient déjà découvert les variantes du virus. Par exemple, en Afrique du Sud, la plupart des cas détectés étaient ceux du variant (67%). De ce fait, le virus en soit avait changé, devenu plus contagieux, ayant un impact important sur les essais cliniques car les participants étaient plus probables de tomber malades.
Ainsi, si on veut comparer les vaccins entre eux, il faudrait qu’ils aient eu les mêmes essais cliniques, les mêmes critères d’inclusion, aient lieu en même temps et au même endroit. Donc, si on veut comparer les vaccins de Moderna et Pfizer à celui de J&J, il faudrait refaire leurs essais cliniques et il y a des chances que l’on retrouve un taux d’efficacité différent. Les taux d’efficacité ne font que montrer ce qu’il s’est passé lors des essais cliniques mais pas forcément ce qu’il se passera dans le monde réel.
D’ailleurs, de nombreux experts disent que ce n’est pas forcément le meilleur facteur pour juger un vaccin parce qu’éviter toute infection n’est pas forcément son but principal. Son but est de retirer la capacité du virus à causer des cas sérieux d’hospitalisation ou de mort. Il est important de faire un schéma pour bien comprendre :

Ci-contre nous voyons les possibles symptômes suite à une exposition au virus : tout au mieux, vous n’êtes même pas malade ou, dans le pire des cas, vous risquez la mort. Entre les deux nous retrouvons : pas de symptômes, symptômes modérés, symptômes sévères et hospitalisation. Ainsi, dans le meilleur des cas, les vaccins vous protègent contre toute infection. Mais, concrètement, ce n’est pas forcément l’objectif principal des vaccins contre la Covid-19. Leur objectif est de donner à votre corps assez de protection pour empêcher les symptômes les plus graves du virus. Comme ça, si vous êtes infectés, cela ressemblera plus à un rhume.

Et la bonne nouvelle est que cet objectif est rempli par tous les vaccins contre le Covid-19 qui sont sortis (petite parenthèse pour le Sputnik V qui n’a toujours pas publié ses études complètes mais assure protéger contre les formes graves). En tout cas, dans tous les essais cliniques, alors que certaines personnes dans le groupe du placebo étaient hospitalisées ou rencontrait la mort, pas une seule personne vaccinée a été hospitalisée ou est morte en raison du Covid-19 pendant les essais.
Ainsi, la question n’est pas forcément : quel vaccin va-vous protéger de n’importe quelle infection ? Mais plutôt : quel vaccin va-vous maintenir vivant et loin de l’hôpital ?
Julia Marques, TA